Homo deus de Yuval Noah Harari

REVUE LITTÉRAIRE
Hélène Lapointe

Quel sera le sort d’Homo sapiens au XXIe siècle? Telle est la question fondamentale que se pose l’auteur. Il écrit : « Le monde d’aujourd’hui est dominé par le package libéral : individualisme, droits de l’homme, démocratie et marché. Pourtant, la science du XXIe siècle est en train de miner les fondements de l’ordre libéral. » L’alliance qui existait entre la science et la religion depuis trois siècles est désormais obsolète. En effet, quoi qu’on puisse en penser, la science a toujours fait bon ménage avec la religion, quelle qu’elle soit (bouddhisme, christianisme, judaïsme, communisme, eh oui!) : la première en améliorant les conditions de vie des hommes, la deuxième en établissant un système de valeurs et de lois morales auxquelles adhèrent les membres d’une société et qui donnent sens à leur vie. Mais cette alliance est devenue superflue. Pointe au loin le règne du « dataïsme » (la religion des données), non seulement sur les individus, mais aussi sur les sociétés et leurs gouvernements. Tous les secteurs d’activité sont aujourd’hui engagés dans cette voie à des degrés divers. Alors qu’autrefois de nombreuses choses ne pouvaient être réalisées que par les humains, aujourd’hui les robots et les ordinateurs pourraient bien surpasser les hommes dans la plupart des tâches. La suprématie des algorithmes et de l’intelligence artificielle rendra optionnelle la conscience, l’unique avantage de l’homme sur la technologie. Le développement accéléré du génie génétique, des nanotechnologies et des interfaces cerveau-ordinateur risque de conduire l’homme à un point de non-retour. Son appétit insatiable de pouvoir sur la maîtrise de l’univers représente son talon d’Achille, car il pourrait ainsi ouvrir la porte toute grande au techno-humanisme. Outre la menace que constitue la puissance grandissante de la technologie quant à l’intégrité de la nature humaine, il y a aussi le risque d’un effondrement écologique, qui annihilerait tous les efforts déployés de concert par la science et l’économie moderne.

Ce livre de Harari est absolument passionnant, du début à la fin. Son analyse, historique et sociologique, ne néglige pas pour autant les aspects éthiques de la vie des hommes en tant que collectivités. L’étude procède de façon méthodique, détaillée et truffée d’exemples, et s’attache à répondre aux questions essentielles sur l’avenir des hommes. Le discours n’est jamais catégorique ni dogmatique. D’ailleurs, dès l’introduction, l’auteur prévient le lecteur en ces termes : « Ma prédiction met l’accent sur ce que l’humanité va essayer d’accomplir au XXIe siècle, non pas sur ce qu’elle parviendra à accomplir. » Les nombreuses questions qui jalonnent son analyse interpellent la conscience du lecteur, seul maître de son jugement. La connaissance précède toujours l’évolution, celle des individus et celle des sociétés. Quelle sera la nôtre dans les prochaines décennies ?