UN ÉPAIS À VENISE

VOYAGES ET AUTRES...
Lorenzo Sterzi

Il y a beaucoup de touristes à Venise, ça n’est pas un scoop. Mais il y a beaucoup de touristes épais. Le russe qui rote, l’américain qui s’esclaffe d’amazing et d’awesome, le français cheap qui choisit ses activités en fonction des cènes noires qu’il va économiser et il y a le québécois. Oh my, oh my…

Je connais bien Venise, pour y être allé une dizaine de fois et je n’ai jamais vu autant de québécois que cette année. Merci au vol direct d’Air Transat. A priori, tant mieux… Mais…

La Sérénissime se meurt, à petit feu, de l’inculture des touristes qui y mettent pieds et sandales – avec chaussettes blanches! – chaque année. Surtout ceux qui débarquent dans ces gros mastodontes marins qui contribuent, avec leurs vagues, à couler la ville. Et les québécois participent comme les autres au meurtre.

À son apogée, Venise comptait 200 000 habitants, aujourd’hui il en reste 35 000. Peu de familles ont les moyens d’y rester. Les vénitiens, les vrais, partent à Mestre, port industriel sur la terre ferme, une horreur à ciel ouvert. Certains reviennent travailler à Venise, le regard vide de ne plus y vivre. Les autres, ceux qui y habitent encore, transpirent la déprime, sachant que Mestre les attend.

Mais pas de panique, Venise attire aussi des gens! Des commerçants chinois qui achètent tout, cash! Désormais, presque la moitié de ses magasins leur appartiennent. Eux aussi vivent à Mestre mais ils s’en tapent de Venise. Ils sont juste là pour faire de l’argent. Ils vendent pour des peanuts des produits faits en Chine par des presqu’esclaves que les vénitiens fabriquaient depuis des siècles: masques et verre artisanal.

Sauf que le touriste épais lui, se crisse de savoir où et par qui est fabriqué le masque qu’il achète. Ce qu’il veut, c’est que ça fasse beau chez lui. Sauf que plus il y a de chinois qui achètent des commerces, moins il y a de vénitiens. Voilà comment meurt une ville millénaire.

Quand j’ai entendu une british, habillée avec une nappe de cuisine à fleurs et un chapeau aussi grotesque que ceux de la Reine, dire à une serveuse qu’elle lui rendait service en venant dépenser ses Livres sterling, mon sang bouillait. Mais c’est quand j’ai entendu une québécoise faire, “miammmmm” en mangeant un plat de pâtes dégueulasses, aussi molles que du Jell-O dans un attrape-touristes tenu par des pakistanais que je me suis dit qu’il fallait que j’écrive cet article. Au moins, si les québécois le lisent, ils auront l’air plus intelligents, plus cultivés, seront sensibles aux réalités locales et passeront un meilleur moment à Venise que tous ces gros colons.

Voici donc un petit guide pratique pour nous distinguer des autres touristes, allant à Venise comme on va à Disneyland.

1- La pizza n’est PAS un plat de la région! Oubliez ça et tentez quelques spécialités locales dont les pâtes aux fruits de mer. Venise c’est sur l’eau, tsé!

2- Ne mangez PAS dans des restos où vos plats sont affichés avec des grosses photos en couleurs comme si vous étiez chez Saint-Hubert. Ce sont généralement des restos qui n’ont rien d’Italien et qui proposent de la nourriture trop chère et de mauvaise qualité. S’il n’y a pas de clients italiens à table à côté de vous, c’est mauvais signe. C’est valable pour toutes les villes italiennes. Essayez une osteria ou une trattoria avec des menus uniquement en italien; je publierai prochainement un papier sur les meilleurs restos de chaque grande ville.

3- Vous voulez un souvenir de Venise: un masque ou du verre de Murano? Demandez le lieu de fabrication des produits. Acheter un verre à 30 euros fait par un artisan local en vaut beaucoup plus que 4 verres à 20 euros fait à la chaîne en Chine. Si vous ne comprenez pas ça, vous n’avez rien à faire à Venise!

4- Levez-vous tôt et visitez la ville a partir de 7h. Vous aurez la ville pour vous seul et vous vivrez une expérience exceptionnelle. Les seuls bars où déjeuner qui sont ouverts sont les meilleurs: ceux pour les locaux.

5- Prenez votre hôtel au Lido, un quartier à 15 minutes de Vaporetto du centre. On y trouve encore de vrais vénitiens, l’ambiance y est authentique et le son des cigales vous bercera lorsque vous serrez tannés d’être entourés de touristes épais. Petit bonus: c’est là que se tient la Mostra de Venise, et il y a une plage de sable fin pour vous baigner. Eh oui! À Venise on peut se baigner à la mer et être en plein centre ville en moins de 20 minutes.

6- Laissez tomber les circuits touristiques et perdez-vous dans la ville. Le seul danger c’est d’être nostalgique des croisements de ruelles, au détour d’un canal, qu’on voit au loin et qu’on choisit de ne pas emprunter. Si on va vers une autre direction, il y a très peu de chance d’y repasser par hasard.

7- L’alcool local est le Spritz (vin blanc ou Prosecco mélangé avec de l’aperol ou du bitter campari). Buvez-en à volonté. Son prix est un bon baromètre pour savoir si vous vous trouvez dans un endroit dispendieux. Il varie entre 3 et 10 euros le verre.

8- Osez entrer dans les grands hôtels pour prendre un Spritz en terrasse, au bord du Grand Canal ou sur un toit avec une vue magnifique. Bonne adresse: l’hôtel Principe, à deux pas de la gare. Vous serez assis en terrasse sur le Grand Canal et le verre ne coûte que 4 euros.

Bon voyage!